Parmi toutes les villes de Belgique, Louvain-La-Neuve n’est certainement pas la plus touristique ni la plus attirante. Nouvelle, voire artificielle, la commune s’est construite autour de son université et n’a pas énormément à proposer aux visiteurs. C’est pourtant là qu’a été ouvert en 2009 un musée dédié à l’œuvre d’Hergé, après l’impossibilité de l’installer à Bruxelles.
En bon tintinophile, j’ai profité d’un dimanche estival pour me rendre jusque là le temps d’un après-midi. Le musée est relativement bien indiqué lorsqu’on entre dans la ville en voiture (forcément, c’est un de ses principaux attraits) mais si vous allez à LLN (le petit surnom de la ville) en train, c’est encore plus simple, il suffit quasiment d’aller toujours tout droit depuis la sortie de la gare.
Jouxtant un petit parc, le musée Hergé se remarque au premier coup d’œil. Pour l’anecdote, il se trouve officiellement rue du Labrador, à l’adresse même de Tintin, puisque c’est là qu’il déclare habiter dans L’Oreille Cassée. C’est une des nombreuses choses que vous révélera l’exposition… Mais nous ne sommes pas encore à l’intérieur. Chacun jugera le travail de l’architecte Christian de Portzamparc selon ses propres goûts et pour ma part, j’ai trouvé ça assez intéressant.
Je précise que les photos étant interdites dans les salles d’exposition, je serai incapable de vous montrer plus que le hall du bâtiment, qui est déjà en lui-même une curiosité architecturale.
L’audioguide ou l’oreille cassée
Ce qui est sûr, c’est qu’entrer dans l’antre du bâtiment fait lever les yeux vers le ciel. L’exposition permanente est répartie sur trois étages, séparée en plusieurs salles reliées entre elles par des passerelles. Ce grand espace promet beaucoup de choses à voir et surtout à lire. L’accueil surprend pourtant puisqu’on ne vous distribue pas un plan ou un fascicule de l’exposition mais bien un audioguide, de façon systématique et gratuite.
La présence de cet audioguide, un iPod un peu modifié, s’explique au fur et à mesure de la visite. Dès la première salle, on comprend que beaucoup d’informations vont passer par lui. Un bon point ? Pas forcément. Si comme moi, avoir un casque sur les oreilles vous fatigue rapidement, vous allez soit devoir faire une croix sur votre confort, soit passer à côté de beaucoup de l’intérêt du musée. Il y a bien quelques textes à lire dans les salles mais très peu de vidéos ou de choses à manipuler. L’interaction repose principalement sur l’audioguide, ce qui, en terme de muséologie, est assez décevant.
Alors cet audioguide, bonne ou mauvaise idée ? Avec son ton assez jeune et direct, les petits jeux qu’il propose pour tester ses connaissances, des vidéos et des entretiens d’époque avec Hergé, c’est le principal attrait du musée pour les enfants. Le reste du musée n’est pas franchement conçu pour eux avec, par exemple, les objets et textes répartis par des numéros à rentrer dans l’audioguide. C’est un peu fastidieux, encore plus pour les enfants.
Je vous avoue que pour ma part, ça m’a vite fatigué et qu’à part pour certains dessins pour lesquels il n’y avait aucune inscription, et donc que la seule information passait par l’audioguide, j’ai laissé les écouteurs sur mes épaules durant un bon tiers de mon parcours.
Un musée qui porte mal son nom
Mais alors, qu’est-ce qu’on trouve dans ce musée ? Globalement, moins de choses sur Hergé que sur Tintin. On voit bien sûr ses autres créations, notamment Joe, Zette et Jocko ou Quick et Flupke mais en minorité. De la même manière, on passe très rapidement sur l’activité publicitaire des studios Hergé. Le reporter à la houpette a toute l’attention, et c’est un parti-pris qui est précisé dès la première scénette audio de l’audioguide. Du coup, si on y est allergique et qu’on venait en espérant en savoir plus sur le travail de son créateur, on repartira frustré.
Si par contre, on est intéressé par Tintin, l’exposition se révèle parfois passionnante (vous le saviez qu’il y avait eu 3 versions de l’Île Noire suite à une réclamation notamment de l’éditeur anglais, qui voulait que la BD soit plus proche de la réalité et de la culture anglaise ?). On y trouve des objets rares et même quelques documents inédits.
Pour autant, le musée ne fait qu’effleurer la surface du mythe de Georges Remi. Les différentes polémiques relatives à son oeuvre ne sont pas abordées et le lecteur averti n’apprendra pas grand chose de neuf. Pire, sur Hergé lui-même, le musée fait l’impasse sur les détails concernant ses méthodes de travail, son style ou sa technique. Et bien sûr, la majorité de la vie personnelle de l’auteur est passée sous silence.
Enfin, si vous pensiez voir une salle réservée aux aventures de Tintin au cinéma, vous allez certainement devoir tirer un trait dessus. C’était pour moi la dernière pièce du puzzle, le chaînon manquant avec l’actualité du célèbre reporter, et je n’arrive pas à comprendre que les concepteurs du musée n’y aient pas consacré au moins un de ses murs. Tant pis pour la série d’animation de 1991, pour Jean-Pierre Talbot et pour Spielberg…
Objectif Lune ?
Peut-être mes attentes vis à vis de ce musée Hergé étaient trop importantes, mais je pense que vous l’aurez compris, je vois de nombreuses façons dont l’exposition qu’il présente pourrait être améliorée. En l’état, comptez déjà au moins deux bonnes heures à l’intérieur, certainement davantage si vous lisez tout et si vous utilisez l’audioguide intensivement.
Est-ce que je vous conseille de vous y rendre ? J’aurais tendance à donner une réponse de normand. Pour tous ceux qui ont grandi avec Tintin, moi y compris, et malgré les différents défauts que j’ai soulevé ici, c’est un grand OUI. L’expérience est agréable, pas transcendante, mais il fait bon se replonger dans les prémices de Moulinsart ou du professeur Tournesol. En ce qui concerne les enfants, je ne le conseillerais qu’aux plus âgés ou aux plus sages.
Si vous avez une petite faim à mi-parcours ou une envie sucrée à l’issue de votre visite, un restaurant, le Petit Vingtième, est ouvert au rez-de-chaussée. Il est bien entendu ainsi nommé en référence au quotidien dans lequel ont été publiées pour la première fois les aventures de Tintin. J’ai pour ma part préféré chercher autre chose en ville, les tarifs du Petit Vingtième étant un peu salés.
Enfin, si au-delà de Tintin et de Hergé, c’est la BD sous toutes ses formes qui vous intéresse, peut-être préférerez-vous aller au Centre Belge de la Bande-Dessinée à Bruxelles. Pour ceux qui n’auraient par contre aucune affinité particulière avec Hergé ou Tintin et qui chercheraient simplement à en apprendre plus sur l’univers d’un artiste belge, le musée Magritte sera peut-être plus indiqué.
Notez que le musée est gratuit le premier dimanche de chaque mois, une bonne initiative qui permettra à tous de découvrir une partie de l’oeuvre d’Hergé, y compris à ceux que les 9,50 euros du plein tarif auraient pu rebuter. Bonne visite !