Partir seul en voyage

« Et tu pars tout seul ? Wow, je ne sais pas comment tu fais, moi je ne pourrais pas. »

Cette phrase, je l’ai souvent entendu lorsque j’ai planifié mon premier voyage en solitaire, avec l’Irlande pour destination. Pour beaucoup de gens, voyager en solo est inconcevable. Faut-il attendre d’avoir un compagnon de voyage pour partir à l’aventure ? Bien sûr que non. Partir seul, c’est une manière de voyager en soi, qui comporte à mon sens autant d’avantages et d’inconvénients.

Voyager seul a largement contribué aux souvenirs fantastiques que je garde de ma découverte de la verte Erin. Une bonne raison pour en faire le sujet de ce premier billet.

Est-ce facile de partir seul ?

Quand je parlais autour de moi de partir à quelques centaines de kilomètres, dans un pays non-francophone, j’avais l’impression qu’on me prenait pour un surhomme ou pour un fou. Partir seul implique forcément que vous êtes celui dont tout dépend. L’itinéraire, les réservations, l’assurance d’avoir bien emporté sa brosse à dents… C’est sur vos épaules que tout repose. Dans ce cas, soit vous avez un don pour l’organisation, soit vous prenez le moins de risque possible.

Dans mon cas, j’ai fonctionné par liste. Une liste pour savoir quoi emporter à tout prix dans ma valise, ce qui devait aller en soute dans l’avion et ce que je pouvais garder avec moi, une liste des villes que j’allais traverser, des moyens de transports qui m’y mèneraient et des endroits qui m’hébergeraient… (Note au voyageur : à l’époque, j’utilisais un carnet, maintenant je suis passé à Evernote – il faut vivre avec son temps) Je ne dis pas que voyager seul ne s’improvise pas. Au contraire, c’est certainement plus facile à faire qu’en couple ou qu’avec des amis. Mais pour mon premier voyage, quelques précautions s’imposaient.

Une fois la décision prise, la machine est lancée. Ça n’est ni difficile ni risqué. Ni triste ni malsain. C’est même tout le contraire.

Seul mais pas solitaire

Il faut tenter l’expérience pour s’en rendre compte : voyager en solo ne rime pas forcément avec solitude. On ne fait jamais autant de rencontres que lorsqu’on voyage seul(e). Quand on part avec des personnes que l’on connaît, on a malheureusement le réflexe de rester dans sa zone de confort, de ne pas aller vers les autres.

Si vous avez peur de ne pas savoir comment occuper vos soirées, rien ne vaut un logement de type communautaire. Je pense bien entendu aux auberges de jeunesse – je recommande particulièrement celles de l’Irlande ou du Canada. En Belgique, on trouve aussi par exemple les Gîtes d’Etape. A partager une chambre avec d’autres personnes, on se lie facilement d’amitié. Les langues se délient et parfois, on se retrouve pour boire un verre ou pour dîner…

De façon générale, les gens, qu’ils soient touristes, expatriés ou locaux, viennent plus facilement vers vous et engagent volontiers la conversation quand ils voient que vous êtes seul(e). Au point que cela devient même difficile de profiter de moments de solitude quand vous les recherchez !

Je me revois à un petit déjeuner, à une auberge de jeunesse de Cork. J’avais ce jour-là une extinction de voix héritée d’une clim’ un peu trop fraîche dans le bus qui m’avait mené jusque là. Incapable de parler, j’étais attablé devant mon bol de céréales, ignorant le couple installé un peu plus loin. Deux autres voyageurs sont successivement venus nous rejoindre, et tout ce beau monde s’est mis à discuter, en m’incluant dans la conversation. Incapable de répondre ou presque, je fus bientôt surnommé par mes compagnons « The Quiet Man », en référence au film de John Ford.

A Galway, c’est un étudiant Erasmus Japonais et un travailleur en attente d’un contrat avec qui j’ai sympathisé. D’abord croisé dans la salle commune, nous nous sommes plus tard retrouvés à faire la tournée des bars ensemble et à échanger sur nos vies. A Killarney, dans un minuscule resto local où ça manquait de tables, c’est face à un vieil Irlandais soupe au lait que j’ai dîné et avec qui j’ai eu une conversation en tous points surréaliste. Un autre soir, à Kilkenny, c’est un couple de Français dont j’ai fait la connaissance dans un bar, jusqu’à passer la soirée avec eux et rentrer ensemble à l’auberge de jeunesse.

Et puis, il y a des gens qui deviennent des amis le temps du voyage. A Dublin où j’ai séjourné quasiment une semaine d’affilée, c’est l’employé à l’accueil de l’auberge avec qui j’ai bien accroché. Chaque matin, avant de partir, nos discussions me donnaient presque envie de rester là à bavarder plutôt que d’explorer la ville.

Non, vraiment, impossible de dire qu’on voyage seul(e) quand on part en solitaire !

Vive la liberté !

Un des avantages évidents, quand on part seul(e) : on fait ce qu’on veut, quand on veut. Pas besoin de l’assentiment de quelqu’un d’autre. Pas besoin d’avoir faim ou d’avoir envie d’aller aux toilettes en même temps que quelqu’un d’autre.

On mange à l’heure qu’on veut ou on saute un repas. On reste des heures dans un coin qu’on trouve sympa ou on déguerpit à toute vitesse d’un musée trop ennuyeux. On n’a de compte à rendre à personne. On n’est pas obligé d’avoir les mêmes envies au même moment, ni de faire des compromis sur certaines activités ou excursions…

On recherche aussi autre chose quand on voyage seul. Cette liberté est aussi sensorielle. Inutile d’exprimer par des mots ce qu’on ressent, il suffit de le vivre, d’apprécier l’instant. Est-ce que cela rend plus réceptif, plus attentif, plus disponible ? Difficile à dire. Autant j’aime partager une découverte avec l’être aimé ou avec des amis, autant sans compagnie, on a une sensibilité différente quant à l’atmosphère d’un lieu.

Le fait d’être seul(e) vous ouvre aussi des portes. Est-ce que vous auriez parlé à ces gens si vous aviez été à deux ? Là, vous êtes libre de le faire ! C’est la possibilité d’effacer toute timidité. La vôtre et celle des autres.

Des inconvénients ?

Bien sûr, voyager seul(e) n’est pas toujours rose et les inconvénients existent. Aucune solution n’est idéale, il faudrait être naïf pour le croire. Mais le fait est qu’ici, les inconvénients sont essentiellement d’ordre matériel.

À deux, l’hébergement coûte forcément moins cher, puisqu’on divise les frais. Idem quand il s’agit de payer avec sa seule petite bourse un transport privé, lorsqu’il n’y a pas de transport en commun. Parfois, quand on a de la chance, on rencontre des voyageurs qui sont prêt à partager le prix d’un taxi ou d’un bateau. C’est rare, mais à l’autre bout du monde, ça a la beauté d’exister.

Le plus embêtant, en fait, quand on voyage seul(e), c’est d’avoir un soucis avec l’argent. Perte ou vol de carte bleue, ou de cash… À deux, on perd plus rarement tout d’un coup. Quand on ne peut compter que sur soi, il faut faire gaffe. Ça ne m’est heureusement jamais arrivé, mais ça peut facilement vous gâcher des vacances.

Il arrive aussi simplement qu’on se retrouve face à un distributeur qui n’accepte que les Visas quand on possède une MasterCard. Les joies des services bancaires… Dans ces cas-là, pas de mystères : il faut multiplier les options et, à défaut, être inventif.

Sécurité

Est-ce vraiment sûr de voyager seul ? Il ne m’est jamais rien arrivé de fâcheux lors de mes voyages en solo, mais on ne peut pas le dire de tout le monde. Au minimum, quelques précautions s’imposent. Peu importe le pays, une femme aura toujours tendance à être davantage approché qu’un homme en pleine rue. Aussi, le mieux est d’éviter de traîner seul(e) en pleine nuit dans des quartiers mal famés. Ce qui est vrai dans votre pays l’est aussi à l’étranger.

Est-ce que j’ai déjà eu un sentiment d’insécurité ? Oui, ça m’est arrivé. Mais au moins, quand je suis seul, je n’ai à me préoccuper que de moi.

A vrai dire, on ne court pas grand risque à s’envoler avec soi pour seule compagnie vers un ailleurs lointain. Tant qu’on ne voyage pas dans des pays en guerre, tant qu’on ne se mets pas en danger physique. Le but n’est pas d’accomplir les douze travaux d’Hercules ou de jouer les Indiana Jones. On voyage plus souvent seul pour rêver, se promener…

Un conseil tout de même. Il est toujours préférable de laisser à quelqu’un, avant de partir, les coordonnées des endroits où on compte rester. De même, avoir un téléphone sur soi est rassurant, même si c’est pour le laisser constamment sur silencieux et ne répondre à personne. Enfin, éviter d’arborer inutilement tout signe de richesse dans un endroit qu’on trouve un peu louche relève du bon sens.

Face à soi-même

Tout ce qu’on risque, à partir ainsi, c’est d’être dépaysé et transformé, de revenir plus riche de rencontres, de souvenirs, d’émotions. Ça, c’est vrai pour tous les voyages, peu importe qu’ils soient en couple ou en solo. L’introspection par contre, c’est quelque chose qu’on ne peut pas trouver autrement. Se retrouver face à soi-même, face à des coutumes, à une culture et parfois même à une langue qu’on ne connaît pas fait souvent se remettre en question. Une expérience intéressante, instructive.

Le retour est souvent étrange. On a vécu des aventures que l’on est les seuls à connaître et il n’est pas toujours facile de transmettre aux autres ce que l’on a vécu. Ainsi, le voyage en solo restera un trésor que l’on gardera pour soi, laissant aux autres les photos et les vidéos tout en s’émerveillant que de simples souvenirs les surpassent de loin.

Note au voyageur : la première leçon quand on voyage seul est d’emporter un livre. Et ce n’est pas une blague.

2 Replies to “Partir seul en voyage”

  1. Bonsoir,
    Merci pour votre article. Il répond en tout points à mes interrogations et inquiétudes. J’envisage de partir voyager seule pour la première fois et j’ai choisi l’Irlande.
    On m’a dit beaucoup de belles choses ce sur pays et que l’accueil est génial pour une voyage solo.
    J’aimerais réaliser ce projet cette année. J’ai peur parce que je suis une fille et que j’ai un anglais et un espagnol moyen.
    J’ai peur d’être dans ma bulle ne réussissant pas à m’exprimer ou à comprendre, accrochée à mon téléphone pour trouver des traductions et/ou des coins à visiter… Bof bof.
    Bref, merci pour votre article, je suis rassurée et un peu remobilisée !
    Le conseil du livre, genial !

    1. Bonsoir Audrey,
      Au risque de me répéter, l’Irlande est vraiment un chouette pays pour un voyage en solo. Les gens sont ouverts, sympathiques et toujours prêts à aider (en tout cas, c’est mon expérience !). L’avantage, lors de mon premier voyage, c’est que je n’avais pas encore de smartphone donc pas moyen d’y rester accroché… J’étais donc obligé d’aller vers les gens (et les autres allaient plus facilement vers moi également). Mon anglais n’était pas non plus terrible (manque de pratique à l’oral, forcément), mais les gens sont compréhensifs… Non, vraiment, c’est un beau projet, qu’il faut mener à bien !

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