Lors d’un reportage qui m’a fait suivre des chercheurs de l’Université de Liège jusqu’à Kourou, en Guyane française, j’ai eu l’occasion d’assister à un lancement d’une fusée Soyouz, mais aussi de visiter le Centre Spatial Guyanais.
Aussi appelé Port Spatial de l’Europe, celui-ci s’étend sur plus de 650 km2 entre Kourou et Sinnamary, et seuls 5% de cette surface sont occupés par des installations liées au spatial. Le Centre Spatial Guyanais, s’il est bien sûr l’endroit d’où partent les fusées Ariane, est aussi le deuxième site le plus visité de Guyane, avec 22 000 visiteurs par an, après les Îles du Salut et avant le Camp de la Transportation, à Saint-Laurent-du-Maroni.
Pour ma part, je ne connaissais rien du programme avant de participer à la visite et je me suis soudain senti dans la peau de Tintin dans Objectif Lune, voire dans la peau de James Bond, au milieu d’installations ultra-secrètes. Si les projets placés sous le sceau du secret sont jalousement gardés à l’abri des curieux dans des bâtiments dans lesquels vous n’entrerez pas, il n’en reste pas moins qu’en visitant le CSG, on se trouve à un endroit pas banal : ici, on fait décoller des fusées.
Jupiter, vous me recevez ?
Dès le parking, le Centre Spatial donne le ton : une gigantesque maquette d’un lanceur Ariane accueille le visiteur. Juste à côté se trouve le Musée de l’Espace ainsi que l’un des bâtiment principaux de la base, puisqu’elle renferme la salle Jupiter, la tour de contrôle de chaque lancement – l’équivalent de Houston à l’échelle de la NASA, pour les fans d’Appolo 13. C’est là qu’un guide nous prend en charge.
La salle Jupiter se découpe en deux parties : d’un côté, un large amphithéâtre dans lequel s’installent les visiteurs (ou les VIP lors d’un lancement) et directement en face, séparé par une vitre, les ordinateurs et les postes de travail de la tour de contrôle, véritable centre névralgique que l’on aperçoit dans chaque film lié à la conquête spatiale. La visite commence une fois que tous le monde est installé dans l’amphithéâtre, avec un rappel de l’histoire du spatial en Europe, puis une projection de plusieurs petits films.
Après cette introduction, il est temps de se jeter à l’eau comme dirait Jean-Louis Aubert. Ne vous attendez pas à monter dans votre 4×4 et à partir en safari dans l’immense terrain de jeu que représentent les installations du CSG. C’est d’abord une zone à accès restreint et on ne circule pas librement à l’intérieur. On suit donc notre guide jusqu’à un bus moderne, avec lequel on va rejoindre les différents ensembles de lancement.
Il faut savoir que les 690 km2 du Centre Spatial Guyanais sont devenus une sorte de parc naturel pour la faune sauvage. La nature s’y étend gaiement et il est assez étonnant de se retrouver en pleine savane dans un lieu tel que celui-ci. Parfois, on peut apercevoir des animaux sur le bas côté de la route. Tout aussi surprenant, l’état de certaines installations (comme par exemple les anciens sites de lancement d’Ariane 4, aujourd’hui désaffectés) donne l’impression d’être tout droit sorties d’un monde post-apocalyptique où la civilisation humaine a finalement disparu et où Gaïa reprend naturellement ses droits.
Ariane, princesse de l’espace
On passe ainsi d’un site d’observation à un site de lancement, d’Ariane 5 à Soyouz, en s’arrêtant aussi au centre de lancement CDL3, un bâtiment qui suit tous les projets Ariane 5 et Vega, du début de l’assemblage jusqu’à l’arrivée des lanceurs en zone de lancement. Ici aussi, l’impression d’un voyage dans le temps est très présente, mais pas vers le futur cette fois. Au contraire, l’ambiance évoque davantage les années 80, avec des ordinateurs qui n’ont sans doute jamais vu Internet de leur vie. La raison de cette apparente obsolescence est évidente, mais ça n’en est pas moins rigolo.
Lors d’un trajet en bus, on nous désigne la zone du futur site de lancement d’Ariane 6, pour l’instant en pleins travaux. En dehors des pas de tir, on nous montre également les bâtiments permettant de préparer les fusées et les satellites ainsi qu’une usine qui fabrique le carburant solide des propulseurs auxiliaires d’Ariane 5. J’ai aussi eu la chance de pouvoir visiter le bâtiment d’intégration dans lequel avait lieu l’assemblage d’une Ariane 5 sur le départ. Difficile de croire que ce qui se trouve à quelques mètres de nous va se retrouver quelques semaines plus tard dans l’espace, et pourtant ! L’assemblage commence dans le bâtiment d’intégration des lanceurs avant que la fusée ne soit déplacée sur sa table de lancement mobile à roues pour aller lentement sur une voie ferrée jusqu’au bâtiment d’assemblage final de 90 mètres de haut.
Mais plus que les installations Ariane, c’est la zone Soyouz qui m’a le plus impressionné. Depuis 2011 et un accord entre l’Europe et la Russie, des fusées Soyouz partent en effet de Kourou (ou plutôt de Sinnamary). Quand on approche du site, le paysage change quelque peu. Largement placée sous le contrôles des autorités Russes, la zone donne l’impression de passer de la savane à une enclave de la Russie. Les murs portent des inscriptions en cyrilliques, la présence militaire et la sécurité dans son ensemble semblent encore plus renforcées. Il ne manque que les Chœurs de l’Armée rouge en fond sonore pour que le tableau soit complet.
Le bus nous ramène finalement à Jupiter (à défaut de nous ramener sur Terre) et c’est avec regrets qu’on retourne à sa voiture, non sans un dernier regard à la maquette d’Ariane 5 qui semble toujours prête à décoller. Vous l’aurez compris, pour moi, la visite du Centre Spatial Guyanais est un passage obligé de tout séjour à Kourou. A coupler sans hésitation avec l’observation d’un lancement, même si ça demande un peu d’organisation.
En pratique
Renseignements et réservations :
Centre Spatial Guyanais
Kourou 97387, Guyane française
Tél. +(594) 594 32 6123 – Fax +(594) 594 32 17 45
Courriel : visites.csg@cnes.fr
Plus d’informations.
Le CSG se visite gratuitement les jours ouvrées de la semaine. Le circuit gamme lanceurs (Ariane 5, Soyouz et Vega) est proposé aux visiteurs matin et après-midi, sur réservation, 48h à l’avance les jours ouvrés, et il faut compter une durée de 3 heures. Il vous sera demandé une pièce justifiant de votre identité.
Les visites sont interrompues la veille, le jour d’un lancement ainsi que le lendemain. En fonction des opérations se déroulant sur la base, les circuits et horaires de visite peuvent également être modifiés. Toutes ces informations vous seront confirmées lors de votre réservation et inscription pour la visite.